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    Une commune peut-elle acquérir des terrains appartenant à un élu municipal pour la réalisation d'un lotissement communal ?

    Dans les communes de moins de 3 500 habitants, il est possible à un élu municipal de vendre un terrain lui appartenant à la commune pour la réalisation d'un lotissement, même si cette opération présente un certain nombre de risques juridiques et pénaux. Le respect de certaines règles pourra toutefois écarter ces risques.

    Les risques d'irrégularité de l'opération.

     Ces risques sont au nombre de trois.

     Le risque lié à la nouvelle notion de conflits d'intérêts

    L’article 2 de la loi n°2013-907 du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique prévoit que "constitue un conflit d’intérêts toute situation d’interférence entre un intérêt public et des intérêts publics ou privés qui est de nature à influencer ou à paraître influencer l’exercice indépendant, impartial et objectif d’une fonction."

     Le conflit d’intérêts concerne tous les élus locaux, sans exception.

    Il peut exister sans que soit établie la recherche d’avantages indus, ni même la contradiction entre les intérêts en présence. Du seul constat d’une confrontation des intérêts, et donc d’une influence, ou même d’une simple apparence d’influence sur la décision prise, découle l’irrégularité.

     

    Or, dans cette opération, la fonction d'élu municipal (intérêt public) interfère avec la qualité de propriétaire (intérêt privé) du terrain qui servira d'assiette au lotissement communal.

     Le risque de constitution du délit de prise illégale d'intérêt

     Le principe

    Concrètement, l’article 432-12 du code pénal interdit, par principe, à tout titulaire d'un mandat électif d'avoir des relations contractuelles avec la collectivité dont il est élu.

     Ce délit est puni de cinq ans d’emprisonnement et de 500 000 € d’amende. En outre, le juge peut également prononcer une des peines complémentaires prévues à l'article 432-17 du Code pénal, notamment l’interdiction des droits civiques

     La notion de la prise d’intérêts est interprétée de manière très large par le juge pénal. L’intérêt peut en effet être matériel, patrimonial, familial ou moral. Il peut être direct ou indirect. Le délit est constitué alors même-même qu’il n’y a aucune recherche d’un gain ou de tout autre avantage personnel.

     Néanmoins, cet article ménage un certain nombre de dérogations pour les communes de moins de 3 500 habitants.

     

    Les exceptions

    Par exception, les maires, adjoints ou conseillers municipaux délégués ou agissant en remplacement du maire se voient reconnaitre le droit de traiter avec leur commune "pour le transfert de biens mobiliers ou immobiliers ou la fourniture de services (cette notion incluant la réalisation de travaux) dans la limite d'un montant annuel fixé à 16 000 €".

     

    Les conseillers municipaux des communes de moins de 3 500 habitants sont néanmoins autorisés à avoir des relations contractuelles avec leur commune au-delà de ces seuils.

     

    A noter qu'il convient d'éviter tout fractionnement artificiel des opérations, pour ne pas atteindre le seuil annuel, en en reportant une partie sur l'année suivante.

     

    Le risque d'illégalité de la délibération autorisant l'acquisition des terrains par la commune.

     L’article L.2131-11 du code général des collectivités territoriales (CGCT) prévoit que "sont illégales les délibérations auxquelles ont pris part un ou plusieurs membres du conseil intéressés à l’affaire qui en fait l’objet, soit en leur nom personnel, soit comme mandataires."

     En conséquence, un élu susceptible d’être considéré comme personnellement intéressé à une affaire qui vient en discussion devant l’assemblée dont il est membre doit s’abstenir de participer, de près ou de loin, à la délibération y afférente.

     Il ne fait pas de doute, en l'espèce, que l'élu municipal propriétaire du terrain peut être regardé comme intéressé au sens de l'article L.2131-11 du CGCT car il détient, dans ce dossier, un intérêt privé distinct de l'intérêt public communal, même s'il n'est pas antinomique.

     

    Les formalités à respecter

     Pour remédier au conflit d'intérêts

    Afin d'éviter tout risque de conflit d'intérêts au sens de la loi relative à la transparence de la vie publique, le décret n°2014-90 du 31 janvier 2014  précise les modalités à respecter.

     

    Si le propriétaire du terrain est le maire :

    Lorsqu'il se trouve en situation de conflit d'intérêts, qu'il agisse en vertu de ses pouvoirs propres ou par délégation du conseil municipal, le maire doit, par arrêté, donner délégation à un adjoint ou un conseiller municipal qui remplira l'ensemble de ses fonctions pour les affaires pour lesquelles il estime ne pas devoir exercer ses compétences. Par ailleurs, il ne devra lui adresser aucune instruction à cette occasion (article 5 du décret n°2014-90 précité).

    Si le propriétaire est un adjoint ou un conseiller municipal titulaire d'une délégation :

    Les adjoints et les conseillers municipaux titulaires d'une délégation doivent en informer le maire par écrit, en lui précisant la teneur des questions pour lesquelles ils estiment ne pas devoir exercer leurs fonctions. Un arrêté du maire détermine en conséquence les questions pour lesquelles la personne intéressée doit s'abstenir d'exercer ses compétences (article 6 du décret n°2014-90 précité).

     Cependant, la loi du 11 octobre 2013 ne remet pas en cause les exceptions aux situations de prise illégale d’intérêt prévues par l’article 432-12 du code pénal, pour les communes de moins de 3 500 habitants. Déléguer ses fonctions ou ne pas exercer sa délégation ne suffisent donc pas pour écarter la prise illégale d'intérêt.

     Pour éviter le délit de prise illégale d'intérêt

    Pour éviter le délit de prise illégale d'intérêt, les dérogations à l'absence de lien contractuel entre un élu municipal et sa commune, quand cette dernière compte moins de 3 500 habitants, sont encadrées par l'article 432-12 du code pénal.

    En premier lieu, si le propriétaire est le maire, un adjoint ou un conseiller municipal titulaire d'une délégation, le montant du terrain ne doit pas excéder 16 000 €.

     En outre, lorsque le propriétaire est le maire, la commune doit être représentée dans les conditions prévues par l'article L.2122-26 du CGCT, qui dispose que lorsque les intérêts du maire se trouvent en opposition avec ceux de la commune, le conseil municipal désigne un autre de ses membres pour représenter la commune dans le contrat.

    Cette désignation doit intervenir, dans le cas d'espèce, dès la décision de principe de l'acquisition. Toutes les formalités jusqu'à l'exécution du contrat de vente (bornage, promesse de vente, acte notarié, etc.) doivent donc être réalisées au nom de la commune par un conseiller, autre que le maire, désigné en son sein par le conseil municipal.

    Aucun texte ni aucune jurisprudence ne permettent actuellement de savoir comment combiner les dispositions de l'article L.2122-26 du CGCT avec celle de l'article 5 du décret du 31 janvier 2014 précité relatif aux conflits d’intérêts. Il ne semble pas interdit au conseil municipal de désigner l'élu qui a reçu délégation du maire en application de ce texte comme représentant afin de mener l'opération de vente jusqu'à son terme.

     Ensuite, l'élu doit s'abstenir de participer à toute délibération relative à l’approbation ou à la conclusion de l'acte authentique.

    Cela signifie qu'il ne doit ni préparer les délibérations relatives à l'acquisition du terrain lui appartenant, ni participer à un quelconque moment à la séance du conseil municipal lorsque ce point est abordé, ni en assurer le suivi jusqu'à la vente effective.

    Par ailleurs, le huis clos est interdit.

     Enfin, même si l'article 432-12 du code pénal ne le rend pas obligatoire pour le transfert de biens, il est conseillé de faire évaluer les terrains par le service des domaines (France Domaine) et de faire prendre une délibération motivée par le conseil municipal.

     Pour écarter le risque d'illégalité des délibérations

    Pour éviter que la délibération du conseil municipal autorisant l'achat du terrain ne soit illégale au sens de l'article L.2131-11 du CGCT, il convient, là également, que l'élu concerné ne prenne part à aucune des phases de la décision afin de ne pas l'influencer.

     Il est même préférable qu'il ne soit physiquement pas présent lorsque ce dossier sera traité en séance et que la délibération le mentionne explicitement.

     Conclusion :

    Dans les communes de moins de 3 500 habitants, il est possible à un élu municipal de vendre un terrain lui appartenant à la commune pour la réalisation d'un lotissement dans les limites fixées l'article 2 de la loi n°2013-907 du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique et par l'article 432-12 du code pénal relatif à la prise illégale d'intérêts.

    Ainsi, si l'élu est le maire, un adjoint ou un conseiller municipal titulaire d'une délégation, sa valeur vénale ne devra pas dépasser le montant maximum de 16 000 €.

    Dans tous les cas, l'élu municipal ne devra prendre part, ni de près ni de loin, à aucune des phases de la décision.



    Nous vous rappelons que HGI-ATD ne répond qu'aux sollicitations de ses adhérents. Toute demande de documentation, conseil ou assistance ne respectant pas cette condition ne pourra aboutir.

    Auteur :

    Valérie TESSIER, Service juridique

    Paru dans :

    ATD Actualité n°242

    Date :

    1 octobre 2014

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