Marché public : un candidat évincé de la conclusion d'un contrat administratif peut-il attaquer le contrat lui-même après sa signature ?
- Conseil d'Etat, 6 juillet 2007, n°291545 - Conseil d'Etat, 6 juillet 2007, n°291545
Faits : En l'espèce, la chambre régionale de commerce et d'Industrie de Pointre-à-Pitre avait, pour l'attribution d'un marché portant sur le marquage des aires d'avions et des chaussées routières de l'aéroport de Poitre-à-Pitre, accepté l'offre présentée par la société R. au détriment de celle déposée par la société T.
Cette dernière contestant la validité du contrat en a saisi le juge des référés du tribunal administratif en vue d'obtenir la suspension des décisions : de rejet, d'attribuer ce marché à la société R, de signer ce marché et du marché lui-même.
L'ordonnance du juge de référés ayant rejeté sa requête, elle se pourvoit en cassation.
Décision : Le Conseil d'Etat estime que le juge des référés a commis une erreur de droit en rejetant la demande de la société T. sans rechercher si cette dernière s'était portée candidate à l'attribution de ce marché.
La Haute Juridiction, réglant ensuite l'affaire au titre de la procédure de référé engagée, précise que la société T. en sa qualité de candidat évincé peut demander la suspension de l'exécution du marché sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, car le délai de recours contre le marché, qui est de deux mois à compter des mesures de publicité appropriées, n'a pas couru faute de l'accomplissement de ces formalités. Par contre, elle considère que le moyen invoqué par cette dernière tiré du détournement de pouvoir n'est pas de nature à faire naître un doute sérieux quant à la légalité de ce marché. Sa demande relative à la suspension de son exécution est donc rejetée.
Le Conseil d'Etat rejette également les demandes formulées aux fins de suspension de la décision de rejet de son offre, de celles d'attribuer le marché à la société R. et de le signer. En effet, il estime qu'elles ne sont plus recevables car la demande, visant à obtenir l'annulation pour excès de pouvoir des actes qui en sont détachables a été déposée par la société requérante postérieurement à la conclusion du marché.
Eu égard, à ces considérations l'ordonnance du juge des référés est annulée et la requête de la société T. rejetée.
Il s'agit ici d'un revirement de jurisprudence. Désormais "tout concurrent évincé à la conclusion d'un contrat administratif est fondé à exercer un recours en pleine juridiction contestant la validité de ce contrat ou de certaines de ses clauses, par contre il ne pourra plus demander l'annulation pour excès de pouvoir des actes préalables qui en sont détachables".
Les communes devront donc se montrer particulièrement vigilantes lors de la conclusion des contrats notamment à l'égard des mesures de publicité appropriées, car en l'absence de celles-ci, le délai de deux mois ne court plus, ce qui signifie que la demande de suspension de l'exécution du marché peut être demandée à tout moment. Ces mesures de publicité appropriées seront d'ailleurs applicables aux marchés à procédure adaptée.
Mais pour l'instant elles restent encore à définir. Il pourrait s'agir, comme l'évoque le commissaire du gouvernement "de la publication d'une "décision de signer", "d'un avis de signature" mentionnant la date de la signature, le nom du co-contractant, le lieu où le contrat serait consultable pourrait également être envisagé". Il conviendra par conséquent d'être particulièrement attentif aux futures décisions des tribunaux administratifs à ce sujet.
Nous vous rappelons que HGI-ATD ne répond qu'aux sollicitations de ses adhérents. Toute demande de documentation, conseil ou assistance ne respectant pas cette condition ne pourra aboutir.