L'impact de la reforme des collectivités territoriales sur l'intercommunalité (2/3)
L'un des objectifs du volet intercommunalité de la réforme territoriale est de parvenir à une organisation plus rationnelle des effectifs et des moyens communaux et intercommunaux dans le souci de maitriser les dépenses publiques.
Pour ce faire, la loi renforce et rationnalise la mutualisation des moyens humains et matériels entre établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) et communes, prévoit la possibilité de procéder à une unification fiscale et financière sur le territoire communautaire et facilite l'exercice par le président de l'EPCI des pouvoirs de police spéciale.
Une mutualisation des moyens humains et matériels renforcée et rationnalisée
Un encadrement plus strict des mises à disposition de services
Le cadre juridique des mises à disposition de services a été revu afin de lever les incertitudes liées à leur soumission aux règles de la commande publique.
Tout d'abord, la loi n'a pas remis en cause le principe selon lequel le transfert de compétence d'une commune à un EPCI entraine automatiquement le transfert du service ou de la partie de service chargé de sa mise en œuvre. Ce principe a été cependant précisé (article L.5211-4-1 du code général des collectivités territoriales - CGCT). Ainsi, le transfert des agents titulaires et non titulaires exerçant en totalité leur activité dans un service transféré à l'EPCI, est obligatoire. A l'inverse, les agents qui exercent partiellement leurs fonctions dans un tel service ne sont pas transférés automatiquement. Ils peuvent se voir proposer leur transfert à l'EPCI. En cas de refus, ou si le transfert ne leur est pas proposé, ils sont mis de plein droit à disposition de l'EPCI à titre individuel et sans limitation de durée pour les missions relevant du service transféré.
S'agissant de la mise à disposition des services communaux à l'EPCI, encore appelée "mutualisation ascendante", elle a été strictement limitée. En effet, cette mise à disposition n'intervient que lorsqu'une commune a conservé, à titre dérogatoire, un service partiellement concerné par l'obligation de transfert dans la mesure où son maintien dans le giron communal est justifié par une bonne organisation des services. Dans ce cas, le service conservé par la commune, est mis obligatoirement à la disposition de l'EPCI pour l'exercice des compétences intercommunales.
Les règles relatives à la mutualisation dite "descendante" restent, quant à elles, inchangées: les services de l'EPCI peuvent être, en tout ou partie, mis à disposition des communes membres pour l'exercice de leurs compétences lorsque cela présente un intérêt pour la bonne organisation des services.
Ces mises à disposition sont exclues de la sphère concurrentielle et relèvent du champ dérogatoire des prestations dites "intégrées" ou "in house". Elles échappent donc aux règles de publicité et de mise en concurrence (article 3 du code des marchés publics).
Il convient cependant de noter que, dans l'esprit du législateur, les services intercommunaux mis à la disposition des communes membres sont nécessairement rattachés à une compétence statutaire exercée par le groupement.
Ainsi, un groupement compétent en matière d'urbanisme peut mettre son service "urbanisme" à la disposition des communes membres pour instruire leurs demandes de permis de construire. En revanche, un groupement n'ayant pas de compétences en matière de voirie, ne peut pas créer un service mutualisé "voirie" qui serait mis à la disposition des communes membres pour les assister dans la réalisation de leurs travaux de voirie. Cette initiative intercommunale relèverait d'une prestation de services rendue aux communes membres (voir rappel infra)
Les modalités de ces mises à disposition de services, ascendantes ou descendantes, font l'objet d'une convention conclue entre l'EPCI et la commune concernée après avis des comités techniques paritaires compétents. Cette convention prévoit notamment le remboursement, par la collectivité bénéficiaire de la mise à disposition, des frais de fonctionnement du service. Les modalités de ce remboursement sont définies par décret. Enfin, les agents titulaires et non titulaires sont mis à disposition de plein droit à titre individuel et sans limitation de durée. Ils sont placés sous l'autorité fonctionnelle du président de l'EPCI ou du maire selon leurs fonctions.
Les communes et les groupements de communes ayant procédé à des mutualisations de service ont jusqu'au 16 décembre 2011 pour se mettre en conformité avec l'ensemble de ces nouvelles règles.
La création de services communs en dehors des compétences transférées
L'article L.5211-4-2 du CGCT (nouveau) permet de créer des services communs entre un EPCI à fiscalité propre et ses communes membres. Ce mécanisme exclut donc les structures syndicales. Sont visés essentiellement les services fonctionnels (ressources humaines, finances, informatique, marchés publics, affaires juridiques....). Cette possibilité, explicitement prévue par la loi, met donc fin à l'incertitude juridique entourant jusqu'à présent les mutualisations de services fonctionnels et poursuit l'objectif de promouvoir une administration locale unique.
On rappellera que le service fonctionnel peut être défini comme un service qui n'est pas directement affecté à l'exercice d'une compétence. La définition d'un service fonctionnel peut donc dépendre de l'organisation de la collectivité. En cas de contentieux, le juge regardera au cas par cas. Un service entretien des bâtiments ou un service maintenance des véhicules pourrait être considéré comme des services transversaux.
Les modalités de création et gestion de ces services font l'objet d'une convention conclue entre l'EPCI et la commune concernée après avis des comités techniques paritaires compétents. Il est possible d'imputer les frais de remboursements de ces mises à dispositions sur les attributions de compensation dans les groupements à fiscalité professionnelle unique.
Ces services sont gérés par l'EPCI. Les agents communaux exerçant leur activité dans le service commun sont mis à disposition de plein droit. Le personnel est placé sous l'autorité fonctionnelle du maire ou du président selon la mission réalisée.
La mise en commun des moyens matériels
Un EPCI à fiscalité propre peut désormais acquérir des biens afin de les mettre à disposition des communes membres dans des conditions déterminées par un règlement (article L.5211-4-3 CGCT nouveau). A noter que les moyens matériels mis en commun ne se rattachent pas nécessairement aux compétences statutaires de l'EPCI que les communes lui ont transférées.
L'obligation d'adopter un rapport relatif aux mutualisations de services
Le président de l'EPCI doit présenter dans l'année qui suit le renouvellement intégral des conseils municipaux un rapport relatif aux mutualisations de services. Ce rapport est composé d'un projet de schéma de mutualisation des services à mettre en œuvre pendant le mandat et précise l'impact prévisionnel de la mutualisation sur les effectifs et les dépenses de fonctionnement de l'EPCI et des communes concernés. Il est soumis pour avis aux conseils municipaux dans un délai de trois mois (à défaut, la délibération est réputée favorable). Le projet de schéma est approuvé par l'organe délibérant de l'EPCI (article L.5211-39-1 du CGCT nouveau).
Ce schéma n'a pas de valeur contraignante. Néanmoins, son avancement doit faire chaque année l'objet d'une communication à l'organe délibérant de l'EPCI dans le cadre du débat d'orientation budgétaire. Il conviendra donc de prendre garde au vice de forme pouvant affecter le vote du budget par le biais du contenu du débat d'orientation budgétaire en cas d'oubli ou de communication insuffisante de ce document.
Ce rapport devra être élaboré pour la première fois en 2014.
La possibilité de conclure des conventions de prestations de services entre EPCI
Rappelons qu'en vertu de l'article L.5211-56 du CGCT, un EPCI peut réaliser des prestations de services au profit des communes membres, à condition que cette intervention soit prévue par les statuts, qu'elle soit retracée dans un budget annexe et qu'elle présente un caractère accessoire (Rép. Min. n°45935, JOAN Q du 16 juin 2009, p. 5915). Elles constituent des prestations "in house" et sont dispensées des règles de publicité et de mise en concurrence.
Dans un esprit voisin, la loi confirme la possibilité pour les EPCI, de conclure entre eux des conventions de prestations de services (article L.5111-1 du CGCT) et indique explicitement que ces conventions ne sont pas soumises aux règles du code des marchés publics ou de l'ordonnance n°2005-649 du 6 juin 2005 sous certaines conditions à savoir:
- Soit ces prestations portent sur des services non économiques d'intérêt général au sens du droit de l'Union européenne (qui regroupent les compétences régaliennes) ;
- Soit, elles ont pour objet d'assurer l'exercice en commun d'une compétence dont elles ont la charge qui peut prendre la forme d'une mise à disposition ou d'un regroupement des services et des équipements (ex: convention de mise en commun d'une installation de traitement des déchets ménagers).
La mise en place de mécanismes d'unification financière et fiscale
Le nouvel article L.5211-28-2 du CGCT prévoit, qu'outre sa propre dotation globale de fonctionnement (DGF), un EPCI à fiscalité propre peut percevoir, en lieu et place des communes membres, le montant de leur DGF. Cette substitution est décidée par délibérations concordantes du conseil communautaire et de toutes les communes membres. Dans ce cas, l'EPCI attribue aux communes membres une dotation de reversement selon des critères définis par la loi. Le montant de cette dotation est fixé par le conseil communautaire à la majorité des deux tiers des suffrages exprimés et constitue une dépense obligatoire à la charge de l'EPCI.
De même, sur le fondement de l'article L.5211-28-3 du CGCT, un EPCI à fiscalité propre et ses communes membres peuvent décider, sur délibérations concordantes du conseil communautaire et de chacun des conseils municipaux, de procéder à l'unification d'un ou plusieurs impôts directs locaux (taxe d'habitation, taxe sur le foncier bâti et /ou taxe sur le foncier non bâti). Pour chaque taxe dont l'unification est décidée, le taux est voté par le conseil communautaire dans les mêmes conditions et limites que celles applicables aux communes. Un mécanisme de lissage des taux permet d'éviter des fluctuations trop importantes jusqu'à la période d'unification.
Enfin, la loi renforce l'obligation d'information de l'EPCI vers les communes en prévoyant que les maires sont informés, chaque année, lors de la communication du rapport d'activités avant le 30 septembre, de l'utilisation des crédits engagées par l'établissement sur le territoire de chaque commune (article L.5211-39 du CGCT).
Un transfert des pouvoirs de police spéciale plus efficient
La loi a modifié l'article L.5211-9-2 du CGCT relatif aux conditions de transfert des pouvoirs de police spéciale des maires au président d'un EPCI à fiscalité propre en matière d'assainissement, de gestion des déchets ménagers, de réalisation des aires d'accueil ou de terrains de passage des gens du voyage, de sécurité des manifestations culturelles et sportives organisées dans des établissements communautaires et de circulation ou de stationnement sur la voirie.
Avant la réforme, le droit applicable autorisait un transfert facultatif des attributions des maires afin que le président de l'EPCI à fiscalité propre puisse, dans chacun des domaines énumérés ci-dessus, exercer le pouvoir de police spéciale. Ce pouvoir restait néanmoins limité car il devait l'exercer conjointement avec le maire.
Aujourd'hui, le transfert du pouvoir de police spéciale est automatique dans les domaines de l'assainissement, de la gestion des déchets ménagers, de la réalisation des aires d'accueil ou de terrains de passage des gens du voyage, dès lors que l'EPCI est compétent sur ses matières.
Un maire peut néanmoins s'opposer individuellement au transfert de son pouvoir de police dans les six mois qui suivent l'élection du président. Inversement, et dans le même délai, le président a la possibilité de refuser le transfert automatique des pouvoirs de police spéciaux lorsque ce transfert ne concerne pas l'ensemble des maires des communes membres en raison de l'opposition de l'un ou de plusieurs d'entre eux.
Pour la fin du mandat en cours, si les maires souhaitent s'opposer au transfert d'office de leurs pouvoirs de police, ils devront notifier leur décision au Président de l'EPCI avant le 1er décembre 2011. Le transfert n'aura pas lieu pour les maires qui se sont opposés à ce transfert.
En revanche, le transfert reste toujours facultatif en matière de sécurité des manifestations culturelles et sportives organisées dans des établissements communautaires et en matière de circulation ou de stationnement sur la voirie.
Dans ces domaines, la procédure du transfert demeure inchangée : sur proposition d'un ou plusieurs maires, et après l'accord unanime des maires des communes membres et du président de l'EPCI, le préfet prend un arrêté décidant le transfert de compétence. Par dérogation, dans les communautés urbaines, l'accord des maires ne se fait qu'à la majorité qualifiée (règle des deux tiers des communes représentant la moitié de la population ou inversement). Il est mis fin à ce transfert dans les mêmes conditions.
En ce qui concerne l'exercice même de ces pouvoirs de police, la loi supprime l'exercice conjoint par le président de l'EPCI et le maire de la commune concernée par la mesure: désormais, le président exerce seul ses compétences. Il dispose des agents de police municipale pour assurer l'exécution des décisions qu'il prend en vertu de ces transferts de compétence. Les maires se voient seulement transmettre pour information et "dans les meilleurs délais" les arrêtés de police pris par le président de l'EPCI (article L.5211-9-2 II). Bien évidemment, ils restent compétents au titre de leur pouvoir de police générale (article L.22-12-2 du CGCT).
Nous vous rappelons que HGI-ATD ne répond qu'aux sollicitations de ses adhérents. Toute demande de documentation, conseil ou assistance ne respectant pas cette condition ne pourra aboutir.