Quelle est l'étendue du droit d'expression des élus de l'opposition sur le site de la collectivité ?
Un droit donné par la loi et précisé par le juge
L'article L.2121-17 du CGCT dispose que « dans les communes de 3 500 habitants et plus, lorsque la commune diffuse, sous quelque forme que ce soit, un bulletin d'information générale sur les réalisations et la gestion du conseil municipal, un espace est réservé à l'expression des conseillers n'appartenant pas à la majorité municipale. Les modalités d'application de cette disposition sont définies par le règlement intérieur ».
Le législateur en retenant le terme de « bulletin d'information générale », n'a pas souhaité limiter le champ d'application de cet article aux seules diffusions d'informations sur papier. Ainsi lors des travaux préparatoires de la loi, le rapporteur pour l'Assemblée Nationale indiquait que ce droit d'expression des élus minoritaires s'appliquait « quel que soit le support d'information, et incluait donc les bulletins d'information mis en ligne sur le réseau Internet ».
Le juge a précisé les supports soumis à cette obligation.
Ainsi, le Conseil d'Etat (28 janvier 2004, n° 265544) a retenu que cette obligation concernait divers supports d'information de la commune, à savoir en l'espèce « La revue municipale », le bulletin mensuel « Pertuis info » et « Le flash du conseil municipal ».
Le juge de la cour d'appel de Versailles, reprenant ce principe, précise que « toute mise à disposition du public de messages d'information portant sur les réalisations et la gestion du conseil municipal doit être regardée, quelle que soit la forme qu'elle revêt, comme le diffusion d'un bulletin d'information générale » (17 avril 2009, n° 06VE00222).
La cour a également indiqué que les informations présentes sur son site Internet étaient traitées dans les magazines papiers de la ville, toutefois la commune par le biais du site Internet les diffusait donc sous une forme différente. Aussi, « ce site doit être regardé, eu égard à son contenu, comme constituant un bulletin d'information générale distinct du magazine » diffusé en format papier. Dès lors la commune est obligée de respecter le droit à l'expression des élus minoritaires pour son site Internet.
Comme le rappelle et résume une réponse ministérielle, il est fait application de l'article L.2121-27-1 du CGCT précité lorsque le site Internet rend compte des réalisations et de la gestion du conseil municipal (n° 128084, 10 avril 2012, Assemblée Nationale).
Compte tenu de ce qui précède, on peut considérer que les lettres d'information envoyées par courrier électronique (newsletters) doivent également respecter cette obligation, dans la mesure où elles ne se limitent pas à des renseignements pratiques sur la commune et les services communaux mais rendent compte de l'activité et des projets de la municipalité (CAA Versailles, 8 mars 2007, n° 04VE03177).
Comment ce droit peut-il être mis en œuvre ?
Comme le précise l'article L.2121-27-1 précité, c'est le règlement intérieur du conseil municipal qui doit fixer les modalités d'application de ce droit.
Il n'existe pas de modèle officiel des clauses de règlement quant au droit d'expression des élus minoritaires sur les publications papier et Internet qui ont été évoquées ci-dessus.
Toutefois, afin que ce droit puisse être mis en œuvre le plus sereinement et équitablement possible, le directeur de publication doit veiller à ce que le texte soit visible et ne pas censurer les écrits qui lui sont donnés à publier.
La taille et la visibilité du texte
Pour le juge, le nombre réduit de pages d'une revue municipale n'empêche pas la commune de ménager un espace d'expression qui sera proportionné à la taille de la revue. Les 1 600 caractères réservés à chaque groupe d'opposition ne font pas obstacle à l'expression des élus minoritaires et sont proportionnels à la taille de la revue (CAA Versailles, 8 mars 2007, n°04VE03177).
La collectivité doit s'attacher à ne pas rendre difficilement visible ou inaccessible le texte des conseillers minoritaires.
Enfin, même si la loi ne les cite pas, ce droit doit être réparti équitablement entre élus majoritaires et minoritaires. Une égalité de traitement doit être entretenue entre les élus quant à la pagination mais aussi au rythme de parution. Toutefois, « pour éviter les contentieux, le directeur de publication doit donc veiller à ce que la tribune politique dont les élus minoritaires doivent disposer se distingue nettement des articles que des membres du conseil municipal appartenant à la majorité pourraient éventuellement signer dans le cadre des responsabilités qu'ils exercent dans l'administration des affaires communales » (Réponse ministérielle, Assemblée Nationale, n° 40329, 14 avril 2009, p. 3614).
La fréquence et le contrôle des écrits
Pour une publication papier, le juge a considéré que « les informations présentées dans ce bulletin seraient traitées dans des conditions d'urgence telles que la commune ne serait pas en mesure d'y insérer les tribunes des minorités de son conseil municipal » (CAA Versailles, 8 mars 2007, n° 04VE03177).
Ne sont pas illégales les dispositions d'un règlement qui prévoient que le maire, en tant que directeur de publication, répartisse l'espace alloué aux conseillers n'appartenant pas à la majorité municipale, en cas de pluralité de demandes, et que ces tribunes soient remises un mois au moins avant la parution du bulletin concerné (CE, 28 janvier 2004, n° 256544).
De même, le règlement peut prévoir que les modalités de répartition des espaces prévus laissent les intéressés dans l'ignorance de date de parution des bulletins et de l'espace qui leur sera effectivement attribué (CE précité).
Sur le contrôle des écrits et le pouvoir du directeur de publication, la jurisprudence a évolué.
Le juge a ainsi pu considérer que le directeur de publication, le maire la plupart du temps, pouvait interdire la mise en ligne d'un contenu injurieux ou diffamatoire et donc qui contrevient à la loi de 1881 sur la liberté de la presse (CAA Versailles, 27 septembre 2007, n° 06VE02569).
Mais il a jugé qu'en période électorale, les élus minoritaires peuvent faire valoir leur droit d'expression et que le maire ne peut faire valoir son statut de directeur de publication pour s'opposer à la publication d'un article de l'opposition dans la tribune libre (TA Orléans, 5 janvier 2007, n° 400702).
Le débat a été tranché récemment par le Conseil d'Etat qui a confirmé que la majorité n'avait aucun droit de regard et de censure sur les textes publiés par l'opposition dans les supports publiés par la collectivité (7 mai 2012, n° 353536).
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