La gestion des archives et les conditions d'accès des citoyens
Les archives se définissent comme "l'ensemble des documents, quels que soient leur date, leur lieu de conservation, leur forme et leur support matériel, produit ou reçus par toute personne physique ou morale et par tout service ou organisme public ou privé dans l'exercice de leur activité" (article L.211-1 du code du patrimoine).
La loi n° 2008-696 relative aux archives adoptée cet été après un périple législatif de près de deux ans, adapte une législation inchangée depuis une trentaine d'années (loi n°79-18 du 3 janvier 1979) aux exigences actuelles de transparence de l'administration et de simplification du droit. Au travers des différentes mesures exposées, la loi aligne par touches successives le régime des archives publiques sur celui des documents administratifs (loi n° 78-753 du 17 juillet 1978).
En effet, elle pose entre autre le principe de la libre communicabilité des archives publiques alors que le délai existant était de 30 ans. Elle facilite l'accès aux archives en simplifiant et réduisant notamment les différents délais de communication dérogeant au principe. Elle donne un statut aux archives des groupements des collectivités, améliore le régime juridique des archives privées et enfin renforce la protection des archives par des mesures pénales plus coercitives.
Toutefois, si la loi aborde de manière très classique l'aspect patrimonial des archives et les organismes habilités à les gérer et à contrôler leur communication, elle omet de traiter l'immense champ des technologies adaptées à leur conservation et à leur diffusion.
Une circulaire d'application des différentes dispositions de la loi sera prochainement publiée.
le statut des archives publiques
La loi réaffirme le principe que tout document résultant d'une activité publique est considéré comme une archive publique.
Archives des groupements de collectivités territoriales et des communes membres d'un groupement (articles 6 à 9) (articles L. 212-6-1, L. 212-10 et L. 212-12 du code du patrimoine)
Archives des groupements
La loi reconnait désormais un statut aux archives des groupements des collectivités territoriales et en organise la conservation.
Les groupements auront la possibilité soit de conserver eux-mêmes leurs archives, soit de les confier par convention :
- au service d'archives de l'une des communes membres du groupement
- ou de les déposer au service départemental d'archives compétent. Le préfet peut prescrire d'office le dépôt des archives d'un groupement au service départemental s'il s'avère, qu'après une mise en demeure, ces dernières ne sont pas convenablement conservées.
Archives des communes membres d'un groupement
Communes de 2 000 habitants ou plus
Les communes peuvent conserver elles-mêmes leurs archives, mais le maire dispose d'une alternative qui consiste, sur délibération du conseil municipal, à les déposer :
- au service d'archives du groupement dont sa commune est membre,
- au service d'archives de la commune désignée par le groupement pour gérer celles-ci (adoption d'une convention),
- aux archives départementales.
Communes de moins de 2 000 habitants
Les documents d'état civil ayant plus de 150 ans, les plans et registres cadastraux ayant cessé d'être en service depuis au moins 30 ans et les archives de plus de 100 ans conservés dans les communes de moins de 2 000 habitants sont obligatoirement déposés aux archives départementales. Le maire peut toutefois demander une dérogation au préfet permettant à sa collectivité d'opter pour l'une des solutions énumérées ci-dessus pour les communes de 2 000 habitants et plus.
La conservation et la mise en valeur des archives d'un groupement sont assurées, comme pour les communes, sous le contrôle scientifique et technique de l'Etat.
Archives des autorités politiques (article 17) (article L.213-4 du code du patrimoine)
Les archives versées par le président de la République, les membres du gouvernement et leurs collaborateurs bénéficient dorénavant d'un véritable statut d'archives publiques. Les procédures de versement sont aujourd'hui juridiquement reconnues et organisées. Ainsi, certaines de ces archives sont susceptibles de faire l'objet d'un protocole organisant la consultation des documents durant la période où elles sont librement communicables afin que des informations sensibles et souvent privées ne soient pas divulguées.
Conservation des archives publiques par des sociétés privées (article 5) (article L.212-4 du code du patrimoine)
Une distinction s'opère ici entre les archives publiques destinées à être conservées définitivement, c'est-à-dire les archives ayant fait l'objet d'une sélection (article L. 212-2 et L.212-3 du code du patrimoine) et les archives en cours, ayant « une vie administrative » et n'étant pas encore sélectionnées pour être conservées ultérieurement.
Les premières sont versées aux fonds d'archivage public. Par dérogation, elles pourront être conservées par les administrations ou organismes qui les ont produites si ces derniers disposent de services compétents.
Après déclaration à l'administration des archives, les secondes peuvent désormais être conservées par des sociétés privées spécialisées agréées par la direction des Archives de France. Ce dépôt fait l'objet d'un contrat qui prévoit les conditions de sécurité, de conservation des documents mais également des modalités de leur communication et du contrôle exercé par l'administration des archives. Passé ce délai de « vie administrative », ces documents seront reversés aux services publics d'archives à la suite de leur sélection.
La loi ne fait que reconnaître ici un fait déjà existant qui permet à certaines administrations de limiter leur investissement en locaux et en technologie adaptés aux nouvelles exigences de conservation de documents qui se présentent aujourd'hui sous différents supports.
Régime de communication des archives
Simplification des conditions d'accès aux archives publiques (articles 17) (article L.213-1 à 213-8 du code du patrimoine)
Le délai de consultation de droit commun de 30 ans est supprimé au profit d'un principe de la libre communicabilité de toute archive à condition que cette dernière ne soit pas un document sensible protégé par la loi énuméré par l'article L. 213-2 du code du patrimoine et précisé par décret (dossier médical, vie privée, défense nationale, monnaie,...).
L'accès à ces archives s'exerce dans les conditions définies pour les documents administratifs prévues par la loi n° 78-753 du 17 juillet 1978 améliorant les relations entre administrés et l'administration.
Ces documents sont soumis à 4 délais de communicabilité -au lieu de 6 précédemment- de 25, 50, 75 et 100 ans. Certaines archives ne seront jamais communicables eu égard à leur contenu étroitement lié à la sécurité du territoire : plan de centrales nucléaires, informations pour fabriquer une bombe nucléaire,....
Une dérogation est accordée à titre individuel avant l'expiration du délai auquel est soumis le document lorsque «l'intérêt qui s'attache à la consultation du document ne conduit pas à porter une atteinte excessive aux intérêts que la loi a entendu protéger ». Des fonds d'archives publiques peuvent également bénéficier d'une ouverture anticipée après accord de l'autorité dont émanent les documents.
Principaux délais de communication selon le type de documents
- Pour les archives concernant des personnes : les délais de communication varient en fonction de la date de décès de l'individu ou de sa date de naissance lorsque la date de décès n'est pas connue.
- Pour les archives ne concernant pas des personnes : les délais sont fixés à compter de la date du document ou de la date du dernier document versé au dossier.
Types de documents |
Communicabilité à compter du 16 juillet 2008* |
Communicabilité avant la loi du 15 juillet 2008 | |
L'Etat et l'économie française
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Secrets concernant le pouvoir exécutif: relation extérieure, monnaie, commerce et industrie, recherche, infractions fiscales, ... |
25 ans
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30 ans |
Secrets de la défense nationale, intérêts fondamentaux de l'Etat,... |
50 ans ou 100 ans si la communication du secret peut porter atteinte à une personne |
60 ans | |
Plan de centrales nucléaires, informations pour armes de destructions massive,...) |
Législation inchangée |
Jamais communicable | |
Justice et notariat
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Enquêtes de police judiciaires, affaires portées devant les juridictions |
75 ans ou 100 ans pour les documents se rapportant à un mineur ou 25 ans à compter du décès de l'intéressé |
100 ans |
Plan de construction, d'équipement et de fonctionnement des prisons |
50 ans Le délai est décompté à partir du moment où les bâtiments ne sont plus affectés à la détention
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Idem | |
Minutes et répertoire des officiers publics ou ministériels |
75 ans ou 100 ans pour les documents se rapportant à un mineur ou 25 ans à compter du décès de l'intéressé |
100 ans |
* Date de publication de la loi au Journal Officiel
Types de documents |
Communicabilité à compter du 16 juillet 2008* |
Communicabilité avant la loi du 15 juillet 2008 | ||
Données personnelles
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Etat civil
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registre de naissance et de mariage |
Communication du registre: 75 ans à la date de la clôture Communication d'un acte: 100 ans si l'acte concerne un mineur ou 25 ans à la date du décès de l'intéressé |
100 ans sauf dérogation |
registre de décès | ||||
Dossier médical |
25 ans si la date de décès est connue ou 125 ans à la date de la naissance |
150 ans à la date de naissance du patient | ||
Document portant une appréciation ou un jugement de valeur sur une personne physique nommément désignée ou facilement reconnaissable |
50 ans |
60 ans | ||
Statistiques ayant trait à des faits et comportement d'ordre privé |
75 ans ou 100 ans pour les documents se rapportant à un mineur ou 25 ans à compter du décès de l'intéressé |
100 ans | ||
Documents relatifs à la vie privée |
50 ans |
60 ans |
*Date de publication de la loi au Journal Officiel
Délai de réponse à une demande de consultation
Le temps de réponse à une demande de consultation ne peut excéder deux mois à compter de l'enregistrement de la demande (article L.213-3 du code du patrimoine). L'administration est tenue de motiver tout refus qu'elle oppose à cette demande.
Un décret en Conseil d'Etat précisera les conditions dans lesquelles sont délivrées et rémunérées les expéditions et communication d'extraits authentiques d'archives (certification authentique de copies de plan, photocopies, ...) (article L. 213-8 du code du patrimoine).
Protection des archives privees
Certaines archives privées sont classées comme archives historiques lorsqu'elles présentent un intérêt public (article L. 212-15 du code du patrimoine). La loi innove en ce domaine en appliquant à ces archives le régime des objets mobiliers classés. Cette législation offre la possibilité à l'Etat français de contrôler la cession, et d'éviter l'exportation d'un tel patrimoine.
De même, tous travaux engagés sur des archives classées seront exécutés avec l'administration des archives et sous son contrôle scientifique et technique (article 11) (article L.212-25 du code du patrimoine).
Transfert de propriété des archives classées (article 10) (article L. 212- 23 du code du patrimoine)
Le propriétaire de ces archives est tenu de déclarer leur aliénation à l'administration des archives. Ce principe existant dans le code est complété par la loi sur deux points :
- Un délai, qui sera précisé par décret en conseil d'Etat, est fixé au propriétaire à compter de la date de transaction pour déclarer l'aliénation des archives. L'aliénation est notifiée par le vendeur à l'administration des archives dans les 15 jours suivant la date de cette vente. Cette même déclaration doit être faite toujours dans les 15 jours par les héritiers, les légataires, et les donataires devenant propriétaires d'archives classées.
- En cas de déplacement d'archives par le propriétaire, le détenteur ou le dépositaire, la même déclaration est faite selon un délai fixé également par décret en Conseil d'Etat.
Droit de préemption d'archives classées ou non (article 15) (article L. 212-32 du code du patrimoine)
L'Etat peut préempter des archives privées même mises en ventes hors d'une vente publique, s'il estime nécessaire à la protection du patrimoine. L'Etat se trouve alors subrogé à l'adjudicataire ou à l'acheteur.
Exportation d'archives privées à l'étranger (article 13) (article L.212-29)
L'exportation définitive des archives classées reste interdite. Seule est autorisée leur exportation temporaire sous certaines conditions.
L'exportation d'archives non classées comme pour tout bien culturel présentant un caractère historique artistique ou archéologique est subordonnée à la délivrance d'un certificat attestant que le bien n'a pas le caractère d'intérêt public (article L.111-2 du code du patrimoine). Si nécessaire, l'Etat subordonne la délivrance du certificat à la reproduction des dites œuvres à ses frais.
La loi prévoit que l'Etat peut exercer ce droit également pour le compte d'une collectivité territoriale ou d'un établissement public ou d'une fondation reconnue d'utilité publique. Les frais seront assurés par la collectivité demanderesse. Ces reproductions sont alors communicables à toute personne qui en fait la demande sauf si le propriétaire a émis des réserves avant l'exportation.
Réajustement des sanctions pénales
Concernant les archives publiques (article 19) (article 214-1 à L. 214-5 du code du patrimoine)
Détention illégale d'archives publiques
La loi affirme que « nul ne peut détenir sans droit ni titre des archives publiques » (article L.212-1 du code du patrimoine). Ainsi trois types d'actions peuvent être désormais menés par le propriétaire légal, l'administration ou tout service d'archives publiques compétent (article L.212-1 du code du patrimoine) :
- une action en revendication d'archives publiques,
- une action en nullité,
- ou une action en restitution.
Les modalités d'application de ces modes de recours sont fixées par décret en Conseil d'Etat.
Le détenteur illégal d'une archive qui refuse de la restituer à l'autorité compétente qui en fait la demande, est susceptible d'être condamné à un an d'emprisonnement et 15 000 euros d'amendes (article L.214-5 du code du patrimoine)
Révélation d'un secret professionnel
Les fonctionnaires ou agents des archives sont tenus au secret professionnel lorsque les documents dont ils ont connaissance ou en assurent la conservation ne peuvent être communiqués au public. L'atteinte à ce secret entraîne une peine d'un an d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende (article 226-13 du code pénal).
Aux peines de prison qui sanctionnent ces infractions sont ajoutées des peines complémentaires comme la privation des droits civiques et l'interdiction d'exercer l'activité professionnelle ou sociale ayant permis cette infraction (article 226-31 du code pénal).
Détournement, soustraction ou destruction d'archives publiques
Les personnes détentrices d'archives publiques qui utilisent leurs fonctions pour détourner, soustraire, ou détruire sans autorisation des archives connaîtront une peine de trois ans d'emprisonnement et 45 000 euros d'amende. Les personnes complices ayant laissé commettre l'infraction sont également soumises à la même peine. Des peines complémentaires peuvent également se cumuler (voir ci-dessus). En cas de simple négligence, les peines sont de un an d'emprisonnement et de 10 000 euros d'amende pour l'auteur et son ou ses complices. Enfin, une interdiction d'exercer son activité et d'accéder aux locaux de consultation des archives de 5 ans maximum peut être envisagée par le juge (articles L.314-9 et L. 214-10 du code du patrimoine).
Ces mesures se veulent particulièrement dissuasives par rapport aux fonctionnaires et autorités politiques qui, de par leur fonction, ont plus facilement accès aux archives publiques.
Concernant les archives privées classées (article 19) (article 214-6 à L. 214-10 du code du patrimoine)
Les peines concernant les archives privées classées sont également renforcées. Par exemple un vol peut être puni dans ce cas de sept ans d'emprisonnement et 100 000 euros d'amendes.
Le législateur a tenu à l'occasion de cette loi à sanctionner de la même peine le vol d'une découverte archéologique lors d'une fouille, le vol d'un bien culturel qui relève du domaine public mobilier ou qui est présenté dans un musée, une bibliothèque une médiathèque, un service d'archives, un lieu de culte ou enfin un lieu géré par une personne publique ou privée assurant une mission de service public. Les peines d'amende peuvent être élevées, jusqu'à la moitié de la valeur du bien volé.
Creation du conseil superieur des archives (article 3) (article l. 211-2-1)
Placé auprès du ministre de la culture, le Conseil est consulté sur la politique mise en œuvre en matière d'archives publiques et privées. Il est composé d'un président, d'un député, d'un sénateur, de représentants de l'état et des collectivités territoriales de personnalité qualifiés ainsi que des personnels des archives. Un arrêté fixe sa composition et ses modalités de fonctionnement.
Nous vous rappelons que HGI-ATD ne répond qu'aux sollicitations de ses adhérents. Toute demande de documentation, conseil ou assistance ne respectant pas cette condition ne pourra aboutir.